Que veut dire évoquer dans l’espace? Les points forts et difficultés.

Je rencontre Léa, qui est en 3ème. Je la vois en consultation. Elle n’arrive pas à apprendre ses cartes en histoire-géographie et ses schémas en SVT. Elle pense les savoir quand elle est chez elle mais le jour du contrôle, plouf !

Nous creusons ensemble sa difficulté, et je la guide pour qu’elle découvre comment elle fonctionne. Elle comprend qu’elle a une vue d’ensemble de sa carte dans sa tête, avec des couleurs, les éléments principaux : elle peut expliquer l’objectif, mais tous les détails sont absents.

Je lui propose de compléter l’évocation visuelle de sa carte en y mettant plus de détails et surtout d’y rajouter du son, se parler la carte pour circuler de façon organisée dans sa carte :

« au nord il y a … au sud il y a… »

Elle fait de même pour ses schémas de SVT. Elle rajoute : « en haut, en bas, à côté…. »

L’apprentissage des cartes et des schémas devient un travail rapide et plaisant, et les notes remontent de manière spectaculaire !

Dans les profils que je rencontre en consultation ou en stage, je voudrais vous parler de l’élève qui rêvasse pendant le cours. Il ne se met pas en route au moment demandé. Une fois la conclusion dictée, il se réveille. Il a d’abord besoin de comprendre : quel type d’exercices vais-je devoir faire à partir du cours ? Si le professeur annonce en début de cours l’objectif, là il est prêt. Cet élève ne peut s’y mettre que s’il sait où on veut l’emmener, à quelle conclusion on va aboutir. Qu’est ce que je devrais en faire ? A quoi cela va me servir ? Il a besoin d’avoir une vue d’ensemble.

C’est l’élève qui vous dit, en jetant un rapide coup d’œil à sa leçon : « c’est bon, je sais ».
Au lycée, lors des rédactions ou des dissertations, il a vite une idée de la conclusion. Ses copies manquent de détails, il va à l’essentiel. Les appréciations sont souvent : « le cours est bien maîtrisé, la méthode est acquise, on voit que vous avez travaillé mais le sujet est trop synthétique. Prenez le temps de développer vos arguments et exploitez vos exemples ».

En gestion mentale, cet élève fonctionne plutôt dans l’espace. Vous imaginez un tableau entouré d’un cadre. Cet élève a besoin de poser le cadre pour se lancer dans les apprentissages. Donc il a besoin de savoir les limites, les objectifs, le but à atteindre, voir comment une notion s’insère dans un ensemble, un chapitre dans une partie. Il aime la clarté, les couleurs. Il a souvent une perception et une évocation visuelle très bonne et rapide, d’où l’impression qu’un simple coup d’œil suffit pour apprendre la leçon. Il remplit le cadre de façon plus ou moins complète.

Ce qui va le sécuriser : but clair, vue d’ensemble, avoir un espace de travail bien rangé, bien organisé, choisir une place pour chaque chose (cahiers, livres, classeurs…).

Ce qui le stresse : le flou sur le but à atteindre, ne pas savoir à quoi cela sert.

Pour progresser :
-il va organiser son espace pour s’y déplacer et ne rien oublier : en haut, en bas, à côté, au nord, au sud…
-il va mettre du temps dans son espace : de la chronologie, de la séquentialité dans l’apprentissage de ses leçons, de ses schémas, de ses cartes, de ses dissertations : « d’abord, ensuite, puis, enfin… ».
Ainsi il va découvrir qu’il y a plus d’informations à apprendre que ce qu’il avait perçu au premier coup d’œil (la vue d’ensemble qui lui suffisait). Il va aussi pouvoir organiser ses dissertations en reliant les idées entre elles, trouver le fil conducteur, le fil rouge, au lieu de rédiger une juxtaposition de notions, de connaissances.

Il complète sa représentation dans l’espace puis il accède à une évocation spatio-temporelle, clé de la réussite.

L’évocation, porte d’entrée de l’apprentissage

L’évocation : la porte d’entrée du monde fabuleux des apprentissages

Nous avons vu la semaine dernière que nous entrons en contact avec le monde par nos cinq sens. Ils peuvent être d’une aide très précieuse et parfois devenir nos ennemis. Il est bon de vérifier régulièrement si nos sens fonctionnent bien : contrôle de la vue une fois par an, de l’audition après des otites, du retour du goût et de l’odorat après le covid-19 !

Ce que vos sens perçoivent, vous le transformez en souvenirs ou évocations ( c’est le vocabulaire de la gestion mentale). L’évocation se passe dans la tête. Comment je code ce que je perçois ? C’est l’encodage.

Exemple : à quoi pensez-vous quand je vous dis : « chocolat » ?

– Evocation visuelle : vous pouvez voir une tablette, le chocolat que vous mangez avec votre café, un gâteau au chocolat, le pot de Nutella, la couleur marron, le mot chocolat, la maison de votre grand-mère chez qui vous mangez un bon gâteau au chocolat, le visage de votre ami qui vous a offert une boîte de chocolats…

– Evocation auditive : vous pouvez entendre le bruit d’un carreau de chocolat que vous cassez, le papier de la tablette que vous déchirez, le bruit du minuteur qui sonne pour la fin de la cuisson, le bruit de l’opercule du pot de Nutella que vous percez avec votre doigt, des voix d’enfants demandant du chocolat…

– Evocation verbale: vous pouvez vous parler dans votre tête : « gourmandise, c’est bon, j’aimerais en manger, beurck je suis allergique, j’aime le gâteau au chocolat de ma grand-mère, j’en ai fait un la semaine dernière, je n’ai plus de chocolat à la maison je ne pourrai pas faire de gâteau …. »

– Evocation tactile : vous avez l’impression de tenir un carreau de chocolat dans votre main, de sentir la texture, vous avez le goût qui vous vient à la bouche, l’odeur, vous êtes en train de tourner la pâte du gâteau au chocolat avec une cuillère en bois (dans votre tête), impressions de mouvement …

Vous venez de découvrir les quatre natures de l’évocation en gestion mentale selon Antoine de La Garanderie : visuelles, auditives, verbales, tactiles. Vous avez bien compris qu’il s’agit de ce qui se passe dans votre tête, comment vous avez installé le mot chocolat dans votre tête. Vous avez lu un mot (perception visuelle d’un mot) et pourtant, pour certains d’entre vous, ce n’est pas le mot chocolat écrit en lettres que vous avez gardez : l’évocation est parfois d’une autre nature que la perception !

  C’est la raison pour laquelle le raccourci  « Je suis auditif » ou « Je suis visuel » n’a pas beaucoup de sens. De quoi parlons-nous?

A ces quatre natures d’évocations, s’ajoute en précision les quatre paramètres de l’évocation :

Le souvenir que je me fabrique ou que je fais venir est :

– Concret : vous voyez, vous vous racontez, vous entendez, vous ressentez des scènes, des paysages, des personnes, des objets…des choses et des êtres en 3D, vous voyez en souvenirs votre cuisine et le gâteau au chocolat dans le four…

– Codes : vous voyez, entendez, vous parlez, ressentez des mots, lettres, chiffres, dessins, graphiques, formes géométriques, courbes…

– Liens logiques : vous faites des liens de similitudes, de différences, vous comparez. Chocolat comme Nutella, lien de similitude…

– Liens inédits et originaux: vous faites des liens avec des souvenirs personnels, le gâteau au chocolat de ma grand-mère, vous prolonger l’évocation : chocolat, je suis allergique, urticaire, je me gratte, cortisone….

Passionnant, non?

La semaine prochaine : aider chacun selon son profil d’évocation.

 

L’ÉVOCATION EN BD DE FRÉDÉRIC RAVA-RÉNY